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Roman

«Le Puma» de Jean Stafford : mieux vaut tare que jamais

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Le cahier Livres de Libédossier
L’Amérique à hauteur d’enfants étranges par l’autrice (1915-1979) connue surtout pour ses nouvelles.
Ecoliers de l’Etat de Virginie, 1938. (Marion Post Wolcott/Bridgeman Images)
publié le 27 octobre 2023 à 13h00

Avec leurs lunettes de bigleux, leurs membres longs et maigres, leurs sourires tristes et leur gémellité bizarre, ils auraient pu être peints par Norman Rockwell ou photographiés par Diane Arbus, ce frère et cette sœur. Ils sont écrits par Jean Stafford (1915-1979) et c’est tout aussi bien. L’Américaine, surtout connue pour ses nouvelles (lire le recueil les Enfants s’ennuient le dimanche publié en 2019 par les éditions do), est une portraitiste sombre, insolite dans ses images, aussi cruelle que l’enfance. On retrouve dans le Puma, deuxième roman paru en 1947 et traduit pour la première fois en français (200 pages tissées serré par la maquette), son art de l’économie. Une phrase et un monde s’ouvre, une phrase et il s’écroule. La première du livre, et ce n’est pas la seule, est sensationnelle : «Ralph avait dix ans et Molly huit quand ils attrapèrent la scarlatine.»

La maladie a laissé des séquelles, entraînant chez l’un et l’autre des saignements de nez. Presque toujours, ces saignements se produisent au même moment. Molly suit son frère à la trace, répète ses blagues, prétend que ses rêves sont les siens. S’ils font la paire, ces derniers temps il la trouve «agaçante» et parfois ne la comprend plus du tout. Ainsi de son poème «Gravier», qu’elle lui lit pas peu fière : «Gravier, gravier, au sol, s