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Arrivés tous les deux à l’âge de la retraite, Antoine et Marie ont décidé de quitter la ville de Québec pour s’installer au «Refuge». C’est ainsi qu’ils nomment leur chalet au pied de la montagne, à la fois confortable et vétuste, sans eau ni électricité. Retourner à la nature est un rêve pour cet ex-professeur d’université devenu écrivain et son épouse, ancienne éducatrice. Le couple d’intellectuels savoure donc cette existence, mais, dès les premières pages, certains mots comme «rancœur» ou «désœuvrement» recouvrent leur rêverie d’une brume inquiétante, indéfinie. Jusqu’à cette nuit de juin où deux hommes cagoulés viennent cambrioler leur maison. Ils exigent violemment qu’Antoine et Marie leur remettent l’argent dont ils disposent. La scène est brève, les voleurs s’enfuient, Antoine les poursuit, tire avec son fusil et tue l’un des deux.
Comment continuer à vivre après un tel geste ? En refusant d’aller voir la police, le couple passe de la sidération à la culpabilité. Ces deux êtres fusionnels peuvent-ils surmonter la violence de leurs actes, mentir et tenter d’oublier, après avoir enterré la victime sur leur terrain tel un reproche éternel ?
Le Québécois Alain Beaulieu, qui enseigne aussi la création littéraire, développe en parallèle la mécanique du thriller et la réflexion sociale, charpentant son roman avec une finesse psychologique grandissante. L’auteur surprend jusqu’au bout, teintant la vie de ses personnages d’un sentiment d’appréhension partagé par le lecteur. Il nous entraîne à réfléchir sur ce qu’un individu pétri de culture, de valeurs morales, est capable de faire, emporté dans une spirale sans fin. Ce roman, qui a obtenu le Prix France-Québec 2023, devient vertigineux, passionnant jusqu’à la dernière page qui continue de remettre en question la nature humaine et ses multiples terreurs.