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Libération
Critique

Le rôle des geôles en Palestine

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Dans une somme sur l’histoire de l’enfermement des Palestiniens depuis 1967, Stéphanie Latte Abdallah élabore le concept de «toile carcérale» pour expliquer que la prison est partout et nulle part en même temps.
22 décembre 2019, portrait de Mazen Rimawi, ancien prisonnier politique palestinien et oncle de Majd Rimawi, dont le père a écopé d'une peine d'emprisonnement de 25 ans. Majd est né en 2013 par FIV. Photo extraite de la série "Habibi", sur l'utilisation de la fécondation in vitro via une contrebande de sperme, au sein de familles en Palestine dont les hommes purgent de longues peines dans les prisons israéliennes. (Antonio Faccilongo)
par Emmanuelle Morau
publié le 1er juillet 2021 à 10h05

La lecture du sommaire est à elle seule une plongée dans l’univers de l’enfermement. «Frontière frictionnelle», «dilution des limites», «désorientation et morcellement»… Ses réflexions autour de l’espace et de la frontière en Palestine ont mené Stéphanie Latte Abdallah aux portes de la prison. «J’étais baignée par les récits avant même de demander une quelconque autorisation à l’administration pénitentiaire», raconte celle qui vient de publier une somme qui fera date – 466 pages, le projet de traduction en anglais est en cours – sur l’histoire de l’enfermement en Palestine.

Depuis la publication, en 2005, de sa thèse sur les «destins de femme et les liens familiaux dans les camps de réfugiés palestiniens en Jordanie 1948-2001», Stéphanie Latte Abdallah n’a de cesse de revenir en Palestine pour valoriser les faits dans un conflit où, comme elle dit, «tout le monde se sent d’avoir un point de vue». Selon elle, la Palestine est un territoire sans frontières qui raconte un «dehors» (les territoires occupés) dont le pendant s’organise «dedans» (le système carcéral). Au cours de son travail sur la frontière, qu’elle soit physique ou non, une évidence ethnographique s’impose : si depuis 1967, 40 % des hommes palestiniens sont passés par la prison, il existe une forme de gouvernance par l’enfermement.

«La possibilité d’être arrêté est permanente»

L’imprégnation, pour celle qui parle arabe et vit à Jérusalem une bonne partie de son temps, sous-tend sa démarche ethnographique. Son ouvrage n