Si dans un chantier les maçons réclament une augmentation de salaire, un allongement de la pause déjeuner ou une sécurisation des échafaudages, le chef d’entreprise sait à quoi s’en tenir, et satisfait ou non aux demandes. Il serait plus embarrassé s’il se trouvait devant une colère diffuse par laquelle ils revendiqueraient d’être dignement traités, davantage considérés et respectés. Cette difficulté à saisir, dans les conflits sociaux, l’importance des revendications moralement justifiées a été celle qui a empêtré (et empêtre) toute la classe politique, sinon les syndicats eux-mêmes (voir les gilets jaunes). La philosophie et les sciences sociales avaient pourtant, depuis belle lurette, souligné les dangers de cette méconnaissance, payée au prix de la violence des mobilisations. Un seul exemple : le travail du sociologue et philosophe Axel Honneth (Ce que social veut dire, Critique du pouvoir, la Société du mépris, Un monde de déchirements, le Droit de la liberté…), qui a mis au centre de son œuvre le concept de «reconnaissance», indiquant que les acteurs les moins privilégiés dans la société souffrent certes de n’avoir ni biens ni pouvoir – mais peut-être surtout de ne pas être reconnus dans ce qu’ils sont et font, d’être ignorés, humiliés.
Le théoricien d’Essen publie aujourd’hui le Souverain laborieux, une «théorie normativ