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Le syndrome du cordonnier est devenu une affection plutôt courante. Selon la définition de Sébastien Rutés, elle consiste à donner son avis sur tout et n’importe quoi en dehors de son domaine de compétence. «Par excès de confiance, on se croit légitime sur tous les sujets», précise-t-il. Pour illustrer son propos, le romancier choisit un cobaye parfait, Augustin Cami, auteur d’un seul roman devenu un best-seller, bon client des médias, roi des réseaux sociaux, écrivain voyageur. Pour autant, Augustin n’a pas jeté aux orties ses origines populaires, quand son grand-père travaillait aux usines Renault de l’île Seguin. Ce beau parleur est débordé par ses activités qui lui donnent bonne conscience, courant d’un plateau à l’autre, manquant de temps pour écrire un deuxième livre que tout le monde – et surtout son éditeur – attend. Jusqu’au jour où il est convoqué par la police et doit s’expliquer sur des propos qui ont fait boule de neige sur certains réseaux. Enervé, il se pique d’un billet d’humeur et de colère contre «les pressions policières». Et c’est l’engrenage médiatique au moment même où Augustin veut prendre ses distances, se retirer du monde socioculturel, pour faire le point sur sa vie et sa morale.
Réjouissante parabole sur l’exercice du pouvoir, ce Syndrome du cordonnier égratigne un monde qui nous est familier, celui des bavards invétérés qui se poussent du col en deuxième partie de soirée et ceux qui «likent, taguent, postent» comme des fous sur leurs smartphones.
Augustin est loin d’être le pire car lorsqu’il veut s’extirper de ce marigot, il lui reste son vieux bistrot de banlieue où il retrouve ses copains des années 80 nourris à Mistral gagnant et aux blagues tuyau-de-poêle. Face au tribunal cathodique, Sébastien Rutés réplique par l’humour, la distance et l’excès, citant également Pline le Jeune pour rappeler que cette maladie sociale ne date finalement pas d’hier. Voici deux ans, dans Pas de littérature ! le romancier réussissait un excellent pastiche avec la Série Noire en toile de fond. Il continue son étude de mœurs par cette fiction sarcastique sur la maladie du siècle et tout le monde s’en réjouit.