Vivre douze années en dehors de sa ville et de son pays natal, c’est à la fois peu et beaucoup. Les changements sont sensibles, mais pas énormes non plus. Natàlia Miralpeix l’héroïne de ce roman, a quitté Barcelone en 1962 parce qu’elle étouffait et qu’elle ne se sentait pas la force de s’opposer à son père, un ancien communiste devenu un catholique autoritaire. Elle a vécu à Paris et à Londres. Ses amis britanniques ne prenaient pas la mesure de l’étendue des dégâts psychiques causés dans les familles espagnoles par la succession de trois chocs : la guerre civile, la Seconde Guerre mondiale, la dictature. Natàlia rentre chez elle en 1974, à 36 ans, quelques semaines avant la fin du franquisme. Elle est photographe et cherche du travail.
Deux jours plus tôt a été assassiné l’anarchiste Puig Antich, l’une des dernières victimes du régime. Le Temps des cerises décrit l’atmosphère qui flotte sur une Barcelone prise entre deux eaux. La peur pèse encore, mais le dégel approche et avec lui, des changements de comportements. L’autrice, Montserrat Roig, née à Barcelone en 1946, est morte en 1991. Elle était connue pour ses engagements féministes. Elle avait participé aux mouvements étudiants contre le franquisme. Ce roman, le premier d’elle traduit en français, est un tableau de Barcelone. Il navigue entre 1962 et 1974 ; Natàlia se rappelle son passé en même temps qu’elle redécouvre son pays, en marchant sur des œufs, puisqu’une partie de ceux qu’elle retrouve lui reprochent