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Roman

«Le Temps d’un visage» : Ruth Ozeki au fil des traits

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Le cahier Livres de Libédossier
La romancière américaine s’est installée devant un miroir, il en résulte «le Temps d’un visage» dans lequel elle analyse la place d’une enfant métisse née en 1956 aux Etats-Unis.
(Danielle Tait)
publié le 13 avril 2024 à 2h57

Elle est née d’un père américain et d’une mère japonaise, tous deux linguistes. De son père, elle a hérité un grand front et des poches sous les yeux dont elle a fini par s’accommoder, sans doute parce que le regard paternel, qu’elle retrouve dans le sien, a cessé de lui paraître réprobateur. Elle aime bien ses pommettes, héritées de sa mère, de même qu’elle apprécie de reconnaître, dans son propre sourire, le sourire maternel, tout en n’aimant pas du tout sa lèvre inférieure. Elle préfère son sourcil gauche à son sourcil droit, allez savoir pourquoi, et son œil droit, son œil caucasien, à son œil gauche, plus asiatique. La romancière Ruth Ozeki (En même temps toute la terre et tout le ciel, le Fardeau tranquille des choses) s’est installée devant un miroir, et il en est résulté le Temps d’un visage.

Apprendre à voir le mille-feuilles temporel

Ce petit livre malicieux et profond se présente comme un autoportrait au sens pictural du terme. Ruth Ozeki s’est inspirée de l’exercice d’«attention immersive» proposé par un professeur d’histoire de l’art à ses étudiants. Ils étaient envoyés au musée passer trois heures devant une œuvre, et notaient ce que ça leur inspirait. Le but était d’apprendre à voir le mille-feuilles temporel, l’«empilement d’expériences» qu’est un tableau. Détaillant son visage au fil de ces cent quatre-vingts minutes, l’écrivaine de 59 ans lit le passage des années, le vieillissement, la trace de ses parents et aussi de ses grands-parents. Mais elle élargit son propos. Il ne