«C’est au moment où les aventures s’achèvent que commencent les histoires», écrit Pascal Janovjak comme pour nous en convaincre : l’odyssée du Salem, qui prend fin en 1980 quand ce pétrolier colossal fait naufrage au large du Sénégal sans laisser de trace, constitue un inépuisable réservoir de récits. De cette gigantesque escroquerie, l’écrivain franco-suisse accepte l’irréductible part de magie autant qu’il la questionne. Quels sont les secrets qui entourent la mise à flot du navire ? Comment ce tanker herculéen a-t-il pu sombrer sans provoquer la marée noire redoutée ? «Où va le monde, si des millions de barils pouvaient disparaître avec autant de facilité qu’une carte à jouer ?» Il serait présomptueux de prétendre résoudre le mystère, le Salem ayant fait l’objet de multiples enquêtes, «de Londres à Monrovia en passant par Houston» – mais là n’est pas l’idée.
A la place, Janovjak choisit un jeu d’agiles chassés-croisés, qui varie distances et temporalités. Le résultat est une narration enchâssée, succession de poupées russes qui sont autant de registres d’écriture : essai, fiction, journal de bord, récit introspectif. Il y a l’enquête historique, documentée, où l’auteur bûche sur les liens qui unissent armateurs, tradeurs et affréteurs, tente de retracer les grands axes d’un marché pétrolier en plein essor, où «l’espoir d’un profit suffit à repousser les limites du réel». Il y a l’invention : le journal de bord fictif d’un matelot d