Avez-vous déjà eu envie de partir, de vous enfuir ? Avez-vous déjà regardé votre vie avec une impression d’inachevé insoutenable, ne voyant que les nombreuses erreurs qui vous ont mené à un abandon irréversible ? Avez-vous déjà un jour osé vraiment partir ? C’est ce que fait Camille dans le deuxième roman de Sarah Bussy, l’Eclipse, aussi merveilleux, saisissant et glacial que les premières neiges. Lors d’une balade en forêt avec son mari et sa fille, Camille décide – ou plutôt, réalise – que sa place n’est plus en France, près de sa famille et de ses amis, mais en dehors de sa propre vie ; par-delà les frontières, toujours plus loin vers le nord. Sans rien dire, sans prévenir personne, Camille prend la fuite, abandonne tout ce dont elle prenait soin jusqu’ici : famille, travail, amour, stabilité et sécurité. Sa fugue, incompréhensible mais déterminée, la mène là où «les jours ne sont plus que de vastes crépuscules, ou aubes, qui s’étirent et traînent autour des heures spectrales du midi».
«Rien d’autre ne peut exister que le présent»
Chaque page glace un peu plus. On lit l’Eclipse absolument frigorifié face à l’inconnu dans lequel s’enfonce Camille, seule et entourée d’une nature indomptable, où l’on a l’impression, nous aussi, de partir à la recherche de nous-même. Sarah Bussy nous guide, d’une plume délicate et contemplative, sous des ciels étoilés, où «la neige offre un miroir à la lune. Le lac semble parfois éclairé de l’intérieur, fluorescent, au pied d’un volcan endormi et silencieux, la vie