Editrice chez Actes Sud (aujourd’hui retraitée), Marie-Catherine Vacher a accompagné une large part de la carrière de Paul Auster en France. Elle revient pour Libération sur la francophilie de l’écrivain américain mort mardi 30 avril, lui-même traducteur du français vers l’anglais à ses débuts (Stéphane Mallarmé, René Char, Maurice Blanchot…) et très attentif au passage d’une langue à l’autre pour ses propres textes.
«Paul Auster et Actes Sud, c’est une histoire de plus de trente ans. Les étoiles étaient alignées pour son succès en France : c’était un écrivain francophone et francophile, il avait un charisme fou et il y avait évidemment ses livres. Il a représenté une sorte de figure de l’écrivain hybride : il était américain, français, européen, une synthèse et un cosmopolitisme à lui tout seul.
«Il était bien sûr très attaché au genre du roman mais, ce qu’on sait moins, c’est qu’il a commencé par écrire des poèmes et par traduire des poètes français, aussi peu évidents que Stéphane Mallarmé. C’était un connaisseur incroyable de la poésie française contemporaine, Jacques Dupin par exemple, qui était devenu son ami lors de ses trois années passées à Paris. Auster était pétri de culture française, d’où cette merveilleuse façon qu’il avait de parler la langue et l’attention portée à la traduction de ses propres textes en français. On ne pouvait pas publier un texte de Paul sans qu’il exige de revoir la traduction.
«Je retiens surtout son sérieux dans le travail, son engagement. S’il avait beaucoup d’humour, qu’il était chaleureux, abordable, on ne plaisantait pas avec l’écriture. Il savait ce qu’il voulait, jusqu’au choix de la couverture. Et cette exigence, il l’avait justement parce que c’était la France – je ne pense pas qu’il faisait cela dans les nombreux autres pays où son œuvre était traduite. Ici, il aimait confronter les deux langues et repratiquer son français.
«On sera par ailleurs toujours reconnaissant à Paul Auster auquel, en des temps lointains, Hubert Nyssen [fondateur des éditions Actes Sud, ndlr] avait demandé s’il connaissait d’autres auteurs dont il serait intéressant de publier la traduction en France. Paul avait cité deux noms : Russell Banks et Don DeLillo. Les trois mousquetaires ne sont plus qu’un et je pense beaucoup à Don aujourd’hui. Ils étaient très amis, allaient au base-ball ensemble. Ce fut un long compagnonnage entre eux aussi.»