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«Leo» de Deon Meyer, un roman violent et fleur bleue

L’auteur sud-africain continue à dénoncer la corruption et la violence qui gangrènent son pays tout en s’accordant quelques moments de romantisme.
Comme toujours chez Deon Meyer, les intrigues se multiplient, vols, corruption, millions de dollars en or et en billets, mafia russe… (Nigel Jared/Getty Images)
par Christine Ferniot
publié le 6 octobre 2024 à 14h00

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L’avocat Basie Small gît sur le dos, la bouche ouverte, étouffé par de la mousse expansive dans la gorge. Une mort effrayante et inédite, découverte par le duo de choc, Benny Griessel et Vaughn Cupido. Pour de sombres et fausses raisons (voir Cupidité, paru en 2022 et réédité en Folio Policier), les deux policiers ont été rétrogradés. Ils ne sont plus chez les Hawks, unité d’élite sud-africaine qui fait autorité, mais se retrouvent flics de base occupés à résoudre des vols de bicyclettes. Après quelques mois de purgatoire, ils intègrent l’unité des crimes graves et violents et c’est déjà mieux. Justement, cette bizarre affaire de meurtre les remet sur les rails, car l’avocat Basie Small fréquentait d’anciens soldats des forces spéciales. Une autre victime, un politicien, est tuée à son tour et de la même manière. Derrière tout cela, de l’argent, beaucoup d’argent.

Comme toujours chez Deon Meyer, les intrigues se multiplient, vols, corruption, millions de dollars en or et en billets, mafia russe… Mais le plus important, c’est encore le prochain mariage de Benny Griessel, qui hésite et prend peur devant l’ampleur du défi. Ce grand gaillard parle facilement avec les poings mais là, il tremble face à cette responsabilité et craint de replonger dans l’alcool par faiblesse. Quant au costume sur mesure proposé par sa fille, Benny n’y voit qu’une perte de temps et d’argent pour une cérémonie qui le tétanise. Pendant ce temps, Cupido poursuit son régime… plus que dix kilos à perdre !

Il est comme ça, Deon Meyer, parfait professionnel prêt à décrire des meurtres en cascade, à dénoncer l’injustice et déplorer le manque de démocratie dans son pays, mais également fleur bleue en décrivant Benny tout ému devant Alexa, au moment de déclamer : «Tu es mon verre de Soleil, mon petit godet…»

Cette nouvelle enquête, la quinzième, n’est pas forcément la meilleure et on se réjouira plutôt de la sortie en poche du génial l’Ame du chasseur (Seuil, 2003) mais le romancier réussit à nous toucher avant de pointer du doigt la corruption endémique de son Afrique du Sud et sa violence aveugle. L’auteur capte les détails les plus infimes et le lecteur sourit quand Chrissie, guide touristique et plus encore, explique aux Américains ce qu’il faut faire quand un lion charge. A cet instant, on est au cœur du Zimbabwe, la nuit tombe et «la voie lactée forme une coupole de cathédrale». Conteur habile et sincère, l’auteur n’en finira jamais de décrire son pays, et personne ne s’en plaindra.

Leo de Deon Meyer, traduit de l’afrikaans par Georges Lory, «Série Noire», Gallimard, 620pp, 23€.