Au cœur d’une île que tant de gens ont fui et continuent de fuir, Leonardo Padura vit avec sa femme Lucia dans la maison où il est né. Elle se trouve dans un quartier paisible de La Havane, Mantilla. Ses parents, des épiciers, l’ont fait bâtir en 1954, un an avant sa naissance. Son succès à l’étranger lui a permis de l’agrandir : un appartement, puis un studio. Le romancier cubain contemporain le plus populaire au monde passe cinq ou six mois par an à l’étranger, enquêtant pour ses futurs livres ou en tournée. Mais c’est chez lui, et nulle part ailleurs, qu’il écrit ses romans. L’auteur de L’homme qui aimait les chiens, son chef-d’œuvre, le créateur du policier, puis détective Mario Conde, l’a souvent dit : «Partir aurait tué l’écrivain.»
Si l’on excepte la guerre d’Angola, qu’il a couverte comme journaliste, il avait 39 ans lorsqu’il est sorti de Cuba pour la première fois. On lui remettait un prix, et 1 000 dollars. C’était en 1994, une année de grande misère dans l’île : «Avec ces 1 000 dollars, on pouvait aller au Mexique, ou bien vivre deux ans chez nous, Lucia et moi. On est allés au Mexique.» Depuis 2010, lui et sa femme se sont vu offrir la nationalité espagnole. Mais aller à Madrid devient difficile, il y a tant d’amis exilés qu’il n’a même plus le temps d’aller au musée, sauf à donner rendez-vous devant les tableaux de Goya. En voyage, Lucia et l