Lorsqu’on les rencontre, tous deux perchés sur un toit de leur public school (en Angleterre, les «public schools» désignent de coûteuses écoles privées), Henry Gaunt et Sidney Ellwood sont en train de lire le journal et au sommet du monde. Beaux, riches, lettrés – on les croirait échappés d’un roman d’Alan Hollinghurst. Puisque nous sommes à l’orée d’un pavé de 500 pages et que la date du journal n’augure rien de bon (le fictionnel Preshutian annonce le «27 juin 1914»), on sait aussi que cela ne durera pas. Pour l’heure, à 17 ans, l’un et l’autre sont encore trop jeunes pour s’enrôler. Quand ils se battent c’est à la boxe, ou entre eux, par jeu et par défi, en évitant de trop se toucher pour ne pas se trahir (bataille d’oreillers, souffle court, rougissement : Alice Winn, dont c’est le premier roman, ne craint pas d’en faire trop et c’est tant mieux puisqu’on n’est pas venu pour des petits sentiments).
Gaunt et Ellwood sont amoureux, le lecteur le comprend tout de suite mais les personnages sont plus lents à se l’avouer. Chacun entretient ou a entretenu, de son côté, une «amitié particulière» avec l’un de ses camarades. Gaunt avec un certain Sandys, Ellwood avec un certain Maitland. Ces histoires de garçons entre eux apparaissent dans ce cadre comme parfaitement banales (alors que l’homosexualité sera consi