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Mercredi pages jeunes

«Les Aventures de moi-même : journal de ma manif», un engagement qui n’attend pas les ans

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Ce roman plein d’humour donnera des idées aux enfants indignés qui hésiteraient à se lancer dans la résistance.
Illustrations de Ronan Badel extraite des «Aventures de moi-même : journal de ma manif». (Ronan Badel/Flammarion)
publié le 3 juillet 2024 à 15h14

Gaspard, Nils et Arto ont un QG : le terrain vague. En vrai, c’est un bout de forêt au milieu de la ville, avec une clairière, à cinq minutes à vélo de l’école, mais ce serait hyperlong à dire, alors ils l’appellent le terrain vague. Les trois copains de CM2 y vont depuis leur naissance. C’est là qu’ils ont construit leur cabane, fabriqué un super terrain de billes, fait des parcours à vélo complètement dingues. C’est là qu’ils jouent au foot tous les samedis.

Mais ce samedi-là, un panneau s’est invité. On peut y lire : «ICI BIENTOT VOTRE NOUVEAU SUPERMARCHÉ». Mince. Gaspard reçoit la nouvelle comme un poignard dans le cœur, ou peut-être un doigt dans l’œil, ou une épine dans le pied, il ne sait pas trop. En tout cas, ça ne lui fait pas du bien. Voir son terrain vague disparaître ? Impensable ! Dans un supermarché, on ne peut pas enterrer ses secrets, ni graver sa taille sur le tronc d’un arbre, et certainement pas observer des têtards grandir dans le petit étang. Ça ne vaut clairement pas le coup.

«J’ai quand même déjà 10 ans»

Nils est résigné : les trois compères trouveront bien un autre endroit. Arto fait l’autruche : tant que les travaux n’ont pas commencé, ils peuvent continuer à jouer sur leur terrain vague. Les parents de Gaspard semblent aussi intéressés par le sujet que par leur première chaussette. Mais Gaspard, lui, refuse cette sentence. Il faut sauver leur bout de forêt. «On peut grandir sans accepter certaines choses. Et même si je n’ai que 10 ans, j’ai quand même déjà 10 ans. Et à 10 ans, si on n’est pas d’accord, on peut le dire ou essayer de changer les choses, non ?» interroge-t-il dans son journal intime.

OK, mais comment ça s’organise, la résistance ? Une pétition ? Mouais. Une simulation d’enterrement, avec des pleureuses comme en Sicile ? Bof. Une manif torse nu, façon Femen ? Hum. Les trois copains égrènent les options qui s’offrent à eux, jusqu’à enfin mettre le doigt sur la bonne. Mais des enfants de 10 ans peuvent-ils vraiment avoir un impact sur le cours des choses ?

Tractage

Avec les Aventures de moi-même : journal de ma manif, Charly Delwart nous plonge dans une noble lutte, celle de la sauvegarde des souvenirs de l’enfance, assurée par la détermination d’un marmot plus si petit, persuadé que son point de vue a de l’importance. On suit Gaspard dans la construction de son combat, des débuts foutraques à l’organisation quasi-pro, en passant par la phase de tractage militant. Le tout bourré d’humour et servi par les illustrations de Ronan Badel, partie intégrante du récit et levier crucial de l’effet comique, loin de ces romans jeunesse dont les dessins ne servent qu’à apporter une aération visuelle un peu prétexte. Une ode à l’engagement qui donnera sûrement aux jeunes lecteurs envie de s’y mettre. Ce qui, dans le contexte actuel, n’est pas du luxe.

Charly Delwart, illustrations Ronan Badel, les Aventures de moi-même : journal de ma manif. Flammarion jeunesse, 144 pp., 12,50 € (e-book : 8,99 €). A partir de 9 ans.