Un après-midi sous le soleil breton, je décide avec mon copain de m’arrêter dans une librairie engagée. On se donne l’idée de choisir deux ou trois livres qui viendront habiller la bibliothèque de notre nouvel appartement. Une trentaine de minutes plus tard, me voilà repartie avec les Coupables innocentes, recueil de Mag Lévêque où sur la couverture, une femme tête penchée tient deux loups se faisant face.
Je me suis lancée dans cette lecture comme on porte à ses lèvres une tisane un peu trop chaude. Mag Lévêque nous tient par ses assemblages de mots sur la solitude, la transmission, les liens familiaux. Le recueil a pour fil conducteur la folie de sa mère qu’elle visite et accompagne. Elle dit : «J’écris pour me cambrioler.» Nous sommes les lecteurices d’un vol vers la reconstruction de soi. L’intime est une langue et une arme politique qu’elle a commencé à explorer dans son premier livre, Tant qu’il reste quelque chose à détruire (Blast, 2022). Dans ce deuxième recueil, elle se libère de ses traumatismes par une écriture juste et transparente : «Vous m’avez dressée /et maintenant si j’aboie /je fais un coup d’état». Ou encore : «je descends d’une lignée de femmes que l’on cache dans les tiroirs des commodes. Aujourd’hui je décide : avec mon héritage je construirai un empire». Son égarement semble trouver son origine dans le patriarcat mais aussi dans tout ce qui transmet entre les générations – notamment entre les femmes d’une même lignée.