Dans Madame Hayat (prix Femina étranger 2021), un jeune intellectuel s’ouvrait au monde et, par l’amour, apprenait la liberté. Les Dés, le nouveau roman de l’écrivain turc Ahmet Altan, décrit le trajet inverse. Un garçon devient un homme en se mettant en marge de la société, s’appauvrit en s’enfermant dans une image idéale totalement mortifère. C’est un tueur. Le point de vue, dans Madame Hayat, était celui du héros narrateur. Impossible, pour Altan, d’user d’un procédé semblable avec Ziya, le personnage des Dés, même si celui-ci a un courage de samouraï. Il le dissèque avec une empathie remarquable mais sans illusion. Il fouille sa psyché comme un biographe peut s’attacher aux pas d’un ennemi public.
Un caïd fameux de la pègre d’Istanbul
Il était une fois trois frères, Arif, Hakkî et Ziya. «Ils vivaient sans crainte et insouciants, au début des années 1900, dans la capitale d’un empire en décomposition, au milieu d’un peuple qui avait pour condition la misère et la peur.» Ils sont tcherkesses. Arif, l’aîné, beau, charismatique, redoutable, est un caïd fameux de la pègre d’Istanbul. Il est le héros de Ziya, qui n’aime et ne craint personne sauf lui. Quand Arif est abattu par un Albanais, un me