Les Dévastés s’ouvre sur l’angoisse intense d’une femme qui ne dort pas. Qui ne dort plus tellement, ses nuits et ses jours ont pris la teinte d’un désespoir intense. «Le mois le plus froid, la nuit la plus noire, le vent le plus glacial. Raïna va et vient, comme une chauve-souris, entre les pièces, comme si elle ne voyait pas les murs, en s’y cognant.» Son mari a été arrêté à la mi-octobre, et depuis, «tout avait tourné au cauchemar dont Raïna ne se réveillait que pour s’enfoncer dans un rêve encore plus sinistre». Elle attend le signe d’un messager qui lui dira si Nikola est encore en vie ou mort, mais rien ne vient. Exécuté, il le sera en ce mois de février 1945 avec ses deux compagnons de cellule, le prêtre Mina et l’entrepreneur Boris Piperkov, et comme 144 autres condamnés à mort de manière expéditive, abattus sans états d’âme dans un trou de bombardement près de l’église arménienne du cimetière de Sofia.
Le troisième roman traduit en français (excellemment) de Théodora Dimova après Mères et Adriana (tous deux en 2006 aux éditions des Syrtes) s’empare d’une période très courte de l’histoire bulgare. Les événements les plus brefs peuvent s’avérer les plus violents, et surtout perpétuer leurs terribles ondes à travers les générations. Soutien de l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, la Bulgarie fait face le 9 septembre 1944 à un coup d’Etat mené par la coalition du Front de la patrie (communistes bulgares et le Zveno) qui