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Les éditions du Caïman tirent la sonnette d’alarme

Fondée en 2010 par des passionnés bénévoles, cette maison d’édition spécialisée dans le roman noir fait appel à ses lecteurs pour résister à la crise économique.
Leur plus gros succès de ventes (plus de 2 000 exemplaires) est "Rosine, une criminelle ordinaire", de Sandrine Cohen. (Ed. du Caïman)
publié le 12 janvier 2024 à 12h28

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Confrontées à la hausse des coûts du papier et de l’électricité et à une concurrence accrue dans les librairies, les éditions du Caïman en appellent à leurs lecteurs pour «passer un cap de trésorerie difficile». La programmation des publications étant faite de février à juin 2024, la maison propose à ceux qui lui sont fidèles un «panier polar de printemps», c’est-à-dire «une série de précommandes sous différentes formules» en crowdfunding.

Cette petite structure d’édition indépendante et engagée fonctionne depuis 2010 avec une équipe réduite de bénévoles qui mènent cette activité par pure passion. Elle est constituée de quatre personnes : son directeur, Jean-Louis Nogaro, prof des écoles à Saint-Etienne ; Patrick Amand, qui travaille à la mairie de Poitiers et pilote sur son temps libre la collection historico-politique Noires nouvelles ; et Philippe Paternolli et Danielle Akakpo, retraités, chargés de la correction des textes. Mine de rien, ces quatre personnes publient environ huit livres par an, la plupart de très bonne qualité, les ventes de l’un permettant, dans le meilleur des cas, de financer le suivant. Leur plus gros succès (plus de 2 000 exemplaires) est Rosine, une criminelle ordinaire, de Sandrine Cohen, qui a obtenu en 2020 le Grand Prix de littérature policière. Pour les autres titres, les ventes se situent entre 300 et 700 exemplaires, grâce notamment aux festivals de polars.

La collection Noires nouvelles est une formidable initiative qui permet de réunir des textes et dessins de différents illustrateurs et auteurs de noir engagés (parmi lesquels Didier Daeninckx, un fidèle) autour de grandes dates anniversaires : le débarquement, la Commune, la colonisation, Mai 68, ou l’anarchie. En mars paraîtra ainsi, porté par de grands noms du polar, Merci la Résistance à l’occasion du 80e anniversaire de la libération de Paris et de la panthéonisation de Missak Manouchian.

Ce système fonctionnait bon an mal an depuis treize ans mais ces derniers temps, ça coince. «Si nous faisons appel aux lecteurs, c’est que notre situation financière est compliquée… Le milieu de l’édition indépendante souffre beaucoup : augmentation des coûts de production, que nous ne pouvons répercuter sur nos livres sans les rendre inabordables au plus grand nombre, mainmise des grands groupes éditoriaux dont les livres trustent les places en librairie, et dont les auteurs garnissent les grands salons du livre, explique Nogaro sur le site de crowdfunding. De plus, le mois de janvier est un mois traditionnellement difficile pour nous, avec une grosse période de retours de librairies, une raréfaction des salons du livre, une baisse des achats après les fêtes de fin d’année…»

Cette situation difficile n’est pas un cas isolé. En septembre dernier, nous avions relayé le même appel au secours de la Tache noire, librairie strasbourgeoise spécialisée dans le polar (l’opération de crowdfunding avait permis de la renflouer). Nous avions annoncé au même moment la fin de la revue Alibi, spécialisée dans le polar et le fait divers. Et la petite maison d’édition Jigal, qui avait été fondée en 1989 à Marseille pour publier essentiellement des romans noirs, a dû mettre la clé sous la porte fin 2022. Elle avait permis de révéler quelques excellents auteurs et autrices parmi lesquels Cloé Mehdi ou Adlène Meddi. Son fondateur, Jimmy Gallier, avait mis cet échec sur le compte de «la terrible concentration des gros groupes éditoriaux et la frilosité croissante des chaînes de librairies».