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Robert Musil : l’élève Törless reprend du sévice

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«Les Désarrois» deviennent «les Egarements» dans une nouvelle traduction du premier roman du futur auteur de «l’Homme sans qualités».
Robert Musil en 1930. (ullstein bild. Getty Images)
publié le 27 octobre 2023 à 12h33
(mis à jour le 27 octobre 2023 à 13h02)

A quoi rêvent les bourreaux et à quoi pensent les victimes sont deux questions posées par le premier roman du futur auteur de l’Homme sans qualités. Né en 1880 et mort en 1942, l’Autrichien Robert Musil a 26 ans quand paraît les Désarrois de l’élève Törless (titre de la traduction de Philippe Jacottet au Seuil en 1960), ici nommé les Egarements de l’élève Törless. Un prestigieux pensionnat de garçons voit un de ces adolescents se mettre en faute et tomber entre les mains et les cervelles de deux condisciples que, dans ses Journaux 1937-1941, Musil appellera des «dictateurs in nucleo». «Car je ne peux pas imaginer que quelqu’un comme lui puisse avoir la moindre importance dans le mécanisme du monde», dit de leur victime l’un des deux maîtres.

Törless n’est pas un tortionnaire, complice plutôt passif des deux sadiques. Si ce n’est que plus fin, plus sensible, il a une imagination plus efficace. «La scène l’écœurait, et il eut honte d’avoir livré son idée aux autres.» Plus tard, il leur dit leur fait, eux qui se livrent à «de la torture irréfléchie» : «Maintenant, je vois ce que vous êtes, le contraire de moi. Des abrutis, des bouffons répugnants et bestiaux». Il demeure de page en page dans un état de malaise, «quelqu’un frôlé par les mains discrètes de la décomposition», mû par une sensualité immaît