Elle s’appelait Roza Robota. Avec d’autres déportées d’Auschwitz-Birkenau, elle a fourni durant huit mois de la poudre explosive, gramme après gramme, aux prisonniers du Sonderkommando, en charge des fours crématoires qu’ils espéraient faire sauter. Action minuscule, héroïque, payée au prix de sa jeune existence. Se souvenir d’elle, et de toutes ses compagnes, au-delà des brèves biographies rédigées par le United States Holocaust Memorial Museum, voilà le but de Chochana Boukhobza. Pour ce, durant sept ans, elle n’a négligé aucune piste et tricoté à mailles serrées d’infimes renseignements pour «raconter le camp des femmes». Les paroles des rescapées, celles rapportées par leurs familles auxquelles, au fil des ans, certaines ont enfin confié l’horreur, forment «le socle d’un récit choral». L’étonnante précision des souvenirs, parfois au jour le jour, la description minutieuse de leur calvaire, et plus encore de celui des disparues, arrêtées pour raison raciale, politique, morale, reflète la violence intacte du traumatisme, tant de décennies plus tard. Les qualités de documentariste de l’autrice – qui a travaillé sur la Shoah – se retrouvent dans la rigoureuse déconstruction des rouages complexes et huilés de l’univers concentrationnaire. Pour percer l’opacité de la machine nazie, est convoquée une multitude d’archives, dont les minutes des procès d’après-guerre. L’ouvrage scénarise la confrontation entre les bourreaux – les uns fidèles à leurs conviction
Histoire
«Les Femmes d’Auschwitz-Birkenau» : enquête sur la double peine des déportées
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Des femmes jugées aptes au travail dans le camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, en mai 1944. (Yad Vashem Archives/AFP)
par Yannick Ripa
publié le 26 juin 2024 à 22h45
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