Il n’y a rien de plus drôle et émouvant qu’un aparté enfantin, qu’il surgisse dans une scène de la vie quotidienne ou au cours d’un jeu. En l’occurrence, dans les Garçons de la rue Pál il s’agit d’un jeu, mais un jeu sérieux, comme peuvent le vivre les enfants. Il s’agit d’une guerre. Le petit Nemeczek, unique soldat des bataillons de la rue Pál qui ne comptent que des gradés, est déjà trempé quand il est contraint de se cacher dans un bassin pour poissons rouges. Pour résumer : nous sommes à Budapest, côté Pest. La bande du Jardin botanique, les Chemises pourpres, prétend mettre la main sur le domaine réservé du clan de la rue Pal, un terrain vague qui jouxte une scierie. Le chef du clan, accompagné de «deux hommes très courageux», dont Nemeczek, se rend une nuit au cœur du fief adverse afin de laisser un insolent message : «Les garçons de la rue Pal étaient ici !» Repérés, les trois braves se cachent dans une serre. Nemeczek émerge quand les poursuivants sont partis, c’est là qu’il dit, sans s’adresser à personne en particulier, et parce qu’il a tendance à se plaindre : «Qu’est-ce que je suis, moi, une grenouille ?»
La petite grenouille va prendre de plus en plus d’importance au cours du roman. Non qu’elle se fasse plus grosse que le bœuf. L’insignifiant blondinet n’a pas l’ambition (contrairement à d’autres) de prendre la place du président, bientôt général, Boka, 14 ans, doté d’une voix grave qui en impose autant que son calme. Le petit Nemecze