Ce n’est pas un passage de ligne, un baptême-bizutage comme en connaissent les marins quand on change d’hémisphère, mais une épreuve inédite, voulue par un équipage entier. Et c’est la plus belle invention de ce premier roman. Vingt hommes à la mer, ou peut-être vingt et un. Vingt marins nus, d’abord dans des canots puis dans les flots, avec des kilomètres de profondeur sous eux, à des centaines de kilomètres de toute terre. Sur le cargo à l’arrêt en plein océan, qu’ils ont provisoirement déserté, il ne reste plus qu’une personne, la seule femme, la commandante. Elle a étonnement autorisé ce bain de mer vertigineux, cet accroc dans la vie réglée du bateau, et seule à bord, elle est l’unique lien qui peut leur permettre de renouer avec le fil des jours, leur routine de marins. Ils ont confiance en elle.
Quand ils reviennent sur le cargo, en grimpant aux échelles, c’est comme si le cours du temps s’était déréglé. Quelque chose ne tourne pas rond. Ils étaient partis à vingt. Ils sont, semble-t-il, vingt et un dorénavant. Qui est ce marin surnuméraire ? Dans cet équipage de différentes nationalités, monté à la hâte, mini Babel flottant, débusquer l’intrus, s’il existe réellement, n’est pas la priorité. Juste l’amorce d’une inquiétude. Le doute gagne, des bizarreries affectent la salle des machines. Le bateau que la commandante personnalise volontiers – il a un cœur énorme et rouge, – se met à ralentir inexplicablement.
Des histoires mystérieuses se rappellent au souvenir de l’éq