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«Les Héritières de l’art abstrait», gardiennes d’une mémoire à contre-courant

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L’historienne Julie Verlaine souligne le travail mené par des épouses de représentants de cette tendance artistique pour valoriser le patrimoine de leurs maris.
Nelly van Doesburg lors d’une exposition consacrée à son mari, Theo van Doesburg, vers 1960. (Frederic Lewis/Getty Images)
publié le 30 mai 2025 à 5h45

Parfois, la mort d’un grand homme sort son épouse de l’ombre d’où elle l’avait soutenu. C’est le cas de ces veuves de l’après-Seconde Guerre que ce livre brillant, à la croisée de l’histoire des femmes et de celle de l’art abstrait, qualifie d’héritières. Protégées par la législation, elles deviennent propriétaires ou usufruitières des biens du défunt – de l’atelier qu’elles s’appliqueront à sanctuariser – et des droits moraux sur les œuvres du disparu dont elles portent le nom, parfois rajouté au leur, afin d’afficher leur statut. Lorsque à l’instar de la peintre Sonia Delaunay ou de la plasticienne Jeanne Kosnick-Kloss, elles sont artistes, elles s’effacent pour se mettre au service de la gloire de leur conjoint.

Si la hiérarchisation genrée, pratiquée par les galeristes, conservateurs et collectionneurs aux dépens des créations féminines, participe de cette discrétion, elle relève aussi de leur volonté : la preuve en est le choix identique de Jean Arp, le veuf de Sophie Taeuber. Se vouer à leur devoir mémoriel crée entre ces héritières une forme de sororité, une «entre-aide» pour imposer dans le monde de l’art leur mission, avec pour ambition de faire reconnaître la puissance de ce courant artistique dont l’ascension a été