«Essai sur ce qui occupe le plus mon esprit» est un des textes des Hommes à leurs heures perdues, recueil de 2000 de la poétesse canadienne Anne Carson née en 1950 et par ailleurs enseignante en grec ancien – quoique pas «par ailleurs» du tout puisque ce livre, comme souvent dans son œuvre, mêle poésie, essai, autobiographie, Grèce antique et monde moderne. Voici en tout cas les premières lignes de ce qui occupe le plus l’esprit d’Anne Carson : «L’erreur. / Et ses émotions. / Au bord de l’erreur il y a la peur. / En pleine erreur, l’état de folie et de défaite. / Prendre conscience d’une erreur suscite honte et remords. / Mais est-ce bien sûr ?» Car «l’erreur est précieuse». C’est une erreur de confondre trois et quatre comme fit un poète de l’Antiquité grecque et comme fait après lui mais à sa façon Anne Carson, et justement «faire de la poésie signifie s’engager dans l’erreur, / dans la création volontaire de l’erreur, / la rupture et l’altération délibérée que crée l’erreur, / d’où surgira peut-être / l’inattendu». «Et je suis mal à l’aise avec quiconque affirme savoir exactement / ce qu’un poète veut dire.» Plutôt que de s’y risquer, on peut décrire les Hommes à leurs heures perdues comme un livre sur la guerre et le temps, les sons et le toucher, la saleté et l’horreur, les mots et les biffures, Anne Carson et Catherine Deneuve.
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