C’est une fiction qui se lit comme un recueil de poésie. A chaque chapitre tout semble remis en jeu et c’est assez normal, puisque le narrateur cabote de Venise à Constantinople au temps des croisés et à bord d’un navire nommé la Fortunera. Ports et personnages se succèdent, charriant leur lot de violence et de beauté : «Circulez, il y a tout à voir : je regarde ce paysage s’ouvrir lentement (comme une parenthèse) sur un golfe irisé jusqu’à la moelle. De part et d’autre, des collines ébouriffées d’arbres descendent en moi vers la mer.»
On notera que descendre «vers la mer» en passant par quelqu’un est un peu compliqué quand on est une colline, sauf si ce quelqu’un est en gravier ou en terre battue – et encore. On n’est pas ici dans l’ordre du réalisme, même s’il y a de nombreuses aventures dans le deuxième roman de Rayas Richa, né en 1978 à Aitanit au Liban. Le premier, Une croisade buissonnière (2016), constituait le début d’un projet «romanesque-lent» en trois tomes, sous l’intitulé «les Jeunes Constellations». Il est réédité en poche (Quidam «Les nomades») concurremment à Prédilection pour un naufrage. Le héros de cette trilogie part à la recherche d’un père qui lui a légué «un large fief en Orient» avec, pour tout guide vers cet héritage, «son journal de voyage. Un recueil débile de ses coucheries».
Pas si débile cepen