Né en 1923, comme Roland Dubillard, Yves Bonnefoy et Italo Calvino, comme Henry Kissinger, Stig Dagerman venait d’avoir 31 ans, le 4 novembre 1954, lorsqu’un de ces «jeux du garage» auquel il s’adonnait s’est mal terminé, il en est mort. Il avait soigneusement fermé les fenêtres, s’était installé au volant de sa voiture, avait mis le moteur en marche, mais cette fois il n’avait pas réussi à sortir avant que le monoxyde de carbone l’intoxique tout à fait. 31, c’est peu, comme le dit le titre du livre de Christophe Fourvel paru au mois d’octobre dernier (à la Fosse aux ours), hommage d’un auteur et d’un lecteur à l’«ami» dont c’était le centenaire. C’est peu, mais le parcours de Dagerman est d’une densité exceptionnelle.
En cinq ans, entre 1945 et 1949, il a publié quatre romans, écrit quantité de nouvelles, fantastiques ou non – mais l’angoisse est si prégnante chez lui qu’elle échappe au réel –, de pièces de théâtre et de scénarios (jamais tournés). On lui doit un chef-d’œuvre de non-fiction, Automne allemand, sur l’Allemagne en ruines (cité par Sebald dans De la destruction). Il a encore eu le temps de ne plus pouvoir écrire. Mais c’est à la période la moins productive, en 1952, qu’il a donné à un magazine féminin les pages de Notre besoin de consolation est impossible à rassasier