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Essai

«Les Monstres. Séparer l’œuvre de l’artiste ?» Les génies gênants de Claire Dederer

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Le cahier Livres de Libédossier
La journaliste américaine, admiratrice de Roman Polanski, interroge le boycott d’artistes ayant commis des actes monstrueux dans un essai sous forme de déambulation.
Roman Polanski, au festival de Deauville, le 7 septembre 2019. (Loïc Venance/AFP)
publié le 12 décembre 2024 à 4h13

Sur la couverture du livre de Claire Dederer, dans les versions française et britannique, sont représentées deux femmes dont les postures évoquent le Cri de Munch. L’une d’elles se tient la tête et ouvre la bouche. L’autre crie en se bouchant les oreilles et en fermant les yeux ; elle ne veut plus rien entendre, ne souhaite plus rien voir. Il serait plus juste de dire qu’elle ne sait plus où donner de la tête. Les Monstres, sous-titré Séparer l’œuvre de l’artiste ?, n’appelle pas à la censure. «Sommes-nous constants dans notre manière de boycotter quand nous décidons de ne plus suivre tel ou tel artiste, ou notre rigueur est-elle à géométrie variable ?» Est-ce mal de continuer d’apprécier les œuvres des hommes (surtout) et des femmes qui ont commis des actes impardonnables ? On se croit éthiques alors que nous n’avons que des «sentiments moraux», des sincérités successives, des dénis parfois conscients, afin d’aller dans le sens du vent. Journaliste américaine, critique de cinéma, grande lectrice, autrice de deux précédents livres qui ne sont pas traduits en français, Claire Dederer se pose, souvent avec humour, beaucoup de questions dans cet essai fort documenté dont la structure est celle d’une déambulation. Cette élasticité en fait le charme, ajouté au fait qu’il digresse. L’idée judicieuse de l’autrice est de prévenir le lecteur qu’elle écrit «une biographie du public» : elle ne peut pas répondre à la place des gens, parce qu’ils