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Littérature française

Les premières pages de «la Petite Bonne» de Bérénice Pichat : «Personne ne pense à elle / à eux / Ceux qui se lèvent aux petites heures»

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Chaque week-end, les premières pages d’un livre de la rentrée. Aujourd’hui, un huis clos psychologique en vers libres et en prose.
Bérénice Pichat, autrice de «la Petite Bonne» (Les Avrils). (Chloé Vollmer-Lo/Ed. Les Avrils)
par Bérénice Pichat
publié le 16 août 2024 à 22h16

La petite bonne fait le ménage chez plusieurs employeurs, comme sa mère avant elle. Elle va chez les Massin, les Pinchard et puis chez les Daniel. L’intérieur des Daniel respire la tristesse. Dans le salon qu’elle appelle la «chambre mortuaire», Blaise se morfond depuis une vingtaine d’années dans son fauteuil d’infirme, posté à la fenêtre. Gueule cassée de la Première Guerre mondiale, estropié des bras et des jambes, l’ancien pianiste regarde les gens passer, il aurait préféré mourir au front mais un brillant jeune chirurgien s’est passionné pour son cas désespéré. Sa femme l’a protégé et a aménagé le quotidien en fonction de lui. Il songe qu’Alexandrine «a fait pour lui le sacrifice inutile de sa vie de femme». Il la pousse à sortir davantage pendant que la jeune bonne s’occupe de lui. La bonniche et le mari de la patronne, dans cette société des années 30, ont du mal à s’apprivoiser, et pourtant. Ecrit à la fois en vers libres et en prose, la Petite Bonne avance en rythme, sans en avoir l’air, vers le huis clos psychologique, jusqu’à surprendre tout le monde. F. Rl

Les cent pas

j’aimerais pouvoir les faire

réellement

Ici c’est cinq pas dans la longueur

à peine trois dans la largeur

et vraiment

des petits pas

Des traversées

il en faut quelques-unes

pour arriver à cent

C’est long

mais jamais assez

Malheureusement

j’ai tout mon temps

pour compter mes pas


Qu’est-ce que c’est lourd

Elle se dit ça à chaque fois

chaque jour

chaque nuit

Quand il faut se lever

que tout le mon