La petite bonne fait le ménage chez plusieurs employeurs, comme sa mère avant elle. Elle va chez les Massin, les Pinchard et puis chez les Daniel. L’intérieur des Daniel respire la tristesse. Dans le salon qu’elle appelle la «chambre mortuaire», Blaise se morfond depuis une vingtaine d’années dans son fauteuil d’infirme, posté à la fenêtre. Gueule cassée de la Première Guerre mondiale, estropié des bras et des jambes, l’ancien pianiste regarde les gens passer, il aurait préféré mourir au front mais un brillant jeune chirurgien s’est passionné pour son cas désespéré. Sa femme l’a protégé et a aménagé le quotidien en fonction de lui. Il songe qu’Alexandrine «a fait pour lui le sacrifice inutile de sa vie de femme». Il la pousse à sortir davantage pendant que la jeune bonne s’occupe de lui. La bonniche et le mari de la patronne, dans cette société des années 30, ont du mal à s’apprivoiser, et pourtant. Ecrit à la fois en vers libres et en prose, la Petite Bonne avance en rythme, sans en avoir l’air, vers le huis clos psychologique, jusqu’à surprendre tout le monde. F. Rl
Les cent pas
j’aimerais pouvoir les faire
réellement
Ici c’est cinq pas dans la longueur
à peine trois dans la largeur
et vraiment
des petits pas
Des traversées
il en faut quelques-unes
pour arriver à cent
C’est long
mais jamais assez
Malheureusement
j’ai tout mon temps
pour compter mes pas
Qu’est-ce que c’est lourd
Elle se dit ça à chaque fois
chaque jour
chaque nuit
Quand il faut se lever
que tout le mon