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«Les Saules», quand les haines de voisinage tuent

Dans son premier polar, Mathilde Beaussault raconte des vies de rancœur sur fond de Bretagne rugueuse entre la ferme et le bistrot du village.
Mathilde Beaussault décrit un paysage qui lui est familier, celui d’une Bretagne loin de l’océan. (Clément Léonard/Getty Images)
par Christine Ferniot
publié le 3 janvier 2025 à 8h00

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On se regarde avec méfiance entre habitants de la Haute et de la Basse Motte. D’un côté les écolos et leurs convictions, de l’autre les agriculteurs, leur quotidien difficile et leurs dettes insondables. Alors, quand le corps de Marie Legrand, la fille du pharmacien, est retrouvé dans la rivière, les haines de voisinage recuisent encore un peu plus. Les Legrand ont des mains trop blanches pour les paysans aux paumes calleuses, aux odeurs de lisier. Leur fille, Marie, 17 ans, a la réputation d’une adolescente facile qui porte des robes courtes sur ses jolies jambes. Les langues vont bon train chez les villageois, avec une préférence pour les rumeurs les plus salaces. Il y a ceux qui n’aimaient pas la jeune fille et d’autres, comme Marguerite, qui lui vouaient une adoration totale. Marguerite, la petite silencieuse, la mal coiffée, la risée de l’école, a vu quelque chose la nuit où Marie a été tuée. Mais à qui pourrait-elle en parler ? Devant les gendarmes, tout le monde se défile. Damien un de ses nombreux petits copains rappelle qu’avec Marie, c’était «open bar». Une ex-meilleure amie a préféré s’éloigner, sans parler d’un voisin de son âge trop curieux, de Paulette la femme de ménage, du pharmacien en deuil ou de Mimi la patronne du bar…

Dans son premier polar, Mathilde Beaussault décrit un paysage qui lui est familier, celui d’une Bretagne rugueuse, loin de l’océan, où les agriculteurs en bavent pour garder leurs terres épuisées, leurs élevages de cochons, leurs fermes. Les familles se taisent, le temps ne passe pas, les enfants rêvent de partir loin. Le meurtre de Marie devient celui d’une société tout entière qui se réduit de plus en plus, entre la ferme et le seul bistrot du village. La romancière a tout de suite trouvé le ton juste, le rythme lent comme les pas dans la boue, l’écriture modeste, pour embrasser toutes ces vies pleines de rancœurs. Alors Marie, avec sa jupe bariolée, son maquillage excessif, son rire pétaradant, n’avait aucune chance d’en réchapper.

Les Saules, Mathilde Beaussault, éditions du Seuil, collection Cadre Noir, 270pp, 19,90 €.