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Roman

«Les Terres indomptées» de Lauren Groff : promenons-nous dans les bois

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A travers une fable d’aventures exaltante dans le Nouveau Monde, la romancière livre une histoire de survie solitaire et d'émancipation.
Lauren Groff à Paris le 26 septembre. (Roberto Frankenberg/Modds)
publié le 10 janvier 2025 à 16h34

Une nuit sans lune, «la jeune fille» s’enfuit. Elle quitte Jamestown, la première colonie anglaise, fondée au XVIIe siècle dans l’actuelle Virginie. Elle court d’un pas leste et silencieux, vers les ténèbres glacées d’une épaisse forêt d’hiver, «jusqu’aux vastes, jusqu’aux terribles terres sauvages». De sa vie d’avant, on apprend au gré de quelques flash-back impressionnistes et sans guillemets, feutrés par le temps et la distance, qu’«elle» fut orpheline, puis servante d’une riche et odieuse famille anglaise, qu’elle dut suivre jusqu’au Nouveau Monde.

Par petites touches sera révélée l’horreur, la raison de sa fuite. Elle sera la seule humaine, exceptés quelques autochtones et un hirsute ermite espagnol aperçus de loin, à cheminer sur ces Terres indomptées, cinquième roman de l’Américaine Lauren Groff, qui jamais ne lui donne de prénom. Décrite, elle le sera : son petit gabarit, ses os, ses tendons, ses muscles affaiblis, ses orteils qui ont perdu leurs ongles, ses membres noircis. Mais nommer, c’est dominer, assujettir. L’écrivaine s’y refuse, à l’inverse des colons européens face au territoire. La jeune fille sera libre.

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