Espionne ! Ce mot convoque des images de femme, séduisante, sulfureuse, sensuelle, érotique, autant de charmes prétendus nécessaires pour qu’un homme, succombant à ceux-ci, livre sur l’oreiller des secrets. Ainsi définie, l’espionne qui donne son corps, au risque de sa vie, au nom de sa patrie, paraît louable, or la mémoire collective ne retient que des figures négatives, traîtresses à leur nation, jouant double, voire triple, jeu, telle Mata Hari lors de la Grande Guerre. Cette incontournable référence a des effets sur la représentation de l’espionne, à l’œuvre dans la justice de l’après-Seconde Guerre mondiale, démontre avec brio Louise Francezon, d’où la sexualisation à l’extrême de Mathilde Carré, lors de son procès en 1949 pour avoir livré à l’ennemi un réseau de résistants. L’autrice estime qu’elle est autant condamnée à mort pour crime de trahison que «délinquance sexuelle».
Modèle militaro-viril
Cet imaginaire irrigue les romans et les films d’espionnage ; certains véhiculent le stéréotype de «l’agente lesbienne», qui repose sur le concept de «complexe de la masculinité» forgé par la psychanalyse. En féminisant le terme qui désigne les femmes formées pour infiltrer les rangs ennemis ou, plus souvent, intégrer la Résistance intérieure, cette belle étude se dégage de cette vision archétypale, grâce à des sources jusqu’alors pas ou peu exploitées : en France, notamment