Dans son discours de réception du prix Nobel, en 2012, Mo Yan a rappelé comment son pays natal, le canton de Dongbei à Gaomi, est devenu son territoire littéraire. Né en 1955 (ou 1956), il avait 5 ans pendant la monstrueuse famine du Grand Bond en avant, 11 au début de la Révolution culturelle en 1966. Son discours de Stockholm est titré «Au pays des conteurs» (Seuil, 2013). Cela s’explique ainsi : «Si mon enfance a été cruellement marquée par l’abandon de la scolarité, la faim, la solitude et l’absence de livres, toutefois […] très tôt je me suis frotté au grand livre de la vie en société.» Avant de découvrir la littérature et l’écriture à l’armée, enrôlé en 1976, le jeune Mo Yan a écouté et raconté quantité d’histoires.
Toujours dans son discours du Nobel, il a dit que très souvent il conserve le vrai nom des personnages qu’il met en scène. Certains allant se plaindre à son père, celui-ci présentait les excuses de l’auteur son fils et les rassurait : c’était leur nom mais il ne s’agissait pas d’eux. Pour achever de convaincre les mécontents, le père de Mo Yan avançait la preuve absolue qu’ils ne devaient pas se formaliser : «Le roman le Clan du Sorgho commence ainsi : “Mon père, cette graine de brigand”».
Un propriétaire foncier dans la force de l’âge
Une des nouvelles de Lèvres rouges, langue verte, recueil épatant, plein d’amour, de malice et d’abominations parfaitement chinoises, contient une allusion à cette affaire de noms. A l’époque des moissons, parti dès l’aube dans le froid, l’écolie