Le 14 juin 2007 est une date qui marque un avant et un après pour les plantigrades de Bulgarie. Ce jour-là, les trois derniers ours dansants du pays, Micho, Svetla et Mima, ont été confisqués à leurs maîtres, la famille Stanev, et rendus à la liberté. Une liberté relative puisque l’association qui depuis des années récupérait ces fauves apprivoisés ne pouvait les remettre dans la nature. Ils en seraient morts. Direction donc Bélitza, à une centaine de kilomètres au sud de Sofia où les attendait un parc de douze hectares et une vingtaine de congénères. Fini, les anneaux de métal dans le nez, fini, les douloureuses exhibitions, les maltraitances diverses : dents cassées et régime alimentaire douteux, dont l’alcool. Mais apprendre la vie en liberté n’est pas une évidence. Quand les ours du parc voient un humain, ils continuent à se dresser, prêts à «danser» ou faire le pitre.
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Witold Szablowski, grand reporter polonais, a enquêté sur la fin de cette tradition devenue illégale qui durait depuis des siècles en Bulgarie : le dressage d’ours par des Tsiganes. Certains dompteurs s’expriment ici, disent leur affection pour leurs animaux, ce que contredit souvent l’état physique de ces derniers. L’auteur a été frappé par la difficulté des ours à rompre avec leur servilité, à jouir de leur liberté. Il compare cette incapacité avec la situation des ressortissants des pays communistes dont les frontières se sont ouvertes. Suivent des reportages à Londres, à Cuba, en Albanie… Witold Szablowski questionne avec tact des laissés-pour-compte de la transition vers le capitalisme. Le parallèle est osé, mais le périple très instructif.