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Roman

«L’Homme qui vivait sous terre» de Richard Wright : l’incarné du sous-sol

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Le cahier Livres de Libédossier
Un noir injustement accusé de meurtre se réfugie dans les égouts où il vit une existence cachée.
Aux Etats-Unis, en 1963. (Leonard Freed/Magnum Photos)
publié le 5 juillet 2024 à 13h45

Un samedi soir, dans le Sud américain et près de la mer, un noir de 29 ans, Fred Daniels, a fini sa semaine de jardinier chez ses patrons blancs. Dans sa poche, la paie hebdomadaire. Il est fatigué, mais heureux de rejoindre pour le dîner sa femme qui va accoucher. Soudain, il est arrêté par trois flics. «T’as déjà eu affaire à nous, mon vieux ?» dit l’un d’eux. «On veut jouer les caïds, hein» dit l’autre tandis qu’ils le poussent vers leur voiture. Le couple voisin de ses employeurs a été volé et massacré. Le trio accuse Fred Daniels du double crime qu’il n’a pas commis : «Je crois qu’il fera l’affaire, dit le grand policier efflanqué qui n’avait pas encore ouvert la bouche.» Ils le ramènent au commissariat, le tabassent et le torturent jusqu’à ce qu’il signe des aveux, puis ils le plongent dans la scène de crime.

La première partie de l’Homme qui vivait sous terre, court roman écrit par Richard Wright entre 1941 et 1942, est d’un réalisme brutal et dialogué qui rappelle certaines scènes de son chef-d’œuvre écrit un peu plus tard, Black Boy. Le lecteur lit et subit un racisme déchaîné que rien ne vient limiter ni punir. Les réactions de l’innocent paniqué, l’écrivain les analyse dans un texte écrit peu après, Souvenirs de ma grand-mère. Il y explique, à travers un admirable portrait de sa grand-mère adventiste, les sources et les raisons de l’Homme qui vivait sous terre. Lui-même, enfant, a été accusé à tort par