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«Libé des écrivain·es» : I Make the Making-of Great Again ! par Paul Fournel

Le Libé des écrivain·esdossier
Des viennoiseries du matin à la réunion de une du soir, l’écrivain Paul Fournel a laissé traîner ses yeux et ses oreilles au milieu de la vingtaine d’écrivains qui ont fait le numéro exceptionnel dans nos locaux ce jeudi 10 avril 2025.
Paul Fournel, 10 avril 2025 à Libé. (Julien Mignot/Libération)
par Paul Fournel
publié le 10 avril 2025 à 21h08

A l’occasion du Festival du livre de Paris les 11, 12 et 13 avril, nos journalistes cèdent la place à des autrices et auteurs pour cette 18e édition du Libé des écrivain·es. Retrouvez tous les articles ici.

Chouquettes, pains au chocolat, croissants, pains aux raisins, café, eau chaude. C’est parti. Nous sommes 20 écrivains et écrivaines autour d’une table ronde. Il est donc facile d’en faire le tour. Le patron, Dov, nous rassure et nous conseille : «Prenez une première phrase du style “longtemps je me suis couché tard” et ensuite, le reste de l’article suivra.» Je trouve le conseil éclairé et je vais donc essayer avec «Chouquettes, pains au chocolat…» Pendant notre tour de table, tous les chevaliers de Libé ont construit derrière nous, un nouveau cercle de chefs de service qui vont nous éclairer sur l’actu du jour.

Pèle-mêle, nous apprenons qu’il va faire mauvais, que la poupée Barbie va se revamper grâce à LeBron James, que les guerres continuent ici et là, que Macron veut reconnaître la Palestine, on se demande si les auteurs compensent la baisse de leurs revenus par une surconsommation de benzodiazépines, que l’IA va nous inventer des costumes qui s’éclairent la nuit (Rim Battal s’en occupe) et, surtout, nous apprenons que Trump libère la douche : plus de restriction d’usage au nom de l’économie d’eau. Il précise que pour soigner sa chevelure, il aime les grosses douches. Nous lui en souhaitons de nombreuses.

Breaking news : Philippe Poutou quitte la politique et ouvre une librairie à Bordeaux. Nos cœurs d’écrivains vibrent. Bonne chance Philippe !

De tout cela il va falloir faire un journal. Notre rédactrice en chef du jour, Margaret Atwood, dort à l’autre bout du monde, prise entre Etats-Unis et Canada, mais le relais est assuré. C’est la foire méthodique : je prends ça, je fais ça, j’écris sur ça. Un assaut de bonnes volontés.

On fait le tour des pages froides (celles qui sont déjà faites et déjà calées), on remplit virtuellement les pages chaudes et on partage le conducteur. Ceci devrait aller là, à moins qu’on ne le mette ici. Il y aura de la pub dans cette page ? On a une belle photo ?

Mokhtar, après une nuit à Saint-Germain, reprend du poil de la bête, il va s’occuper des fantaisies trumpistes sur les droits de douane.

Arthur va écrire sur IC3PEAK, un duo russe apatride qui chante ce week-end à Paris. Il le recommande chaudement.

Patrick Grainville arrive en retard mais il a bien écrit sur Beaubourg qui ferme pour longtemps. Il en fait l’éloge de sa voix de stentor et craint de ne le revoir jamais compte tenu de son grand âge. C’est la partie mélancolique de la matinée.

Bon, pour finir, on fera 3 000 signes sur le festival de Cannes et autant pour Retailleau.

Le cercle se brise et chacun part au travail aux quatre coins calmes de la maison, muni d’un sujet et d’un nombre de signes. Pour mon «making-of» ce sera 3 700. Je reste travailler sur la table ronde puisque c’est là qu’on servira le repas.

Pendant ce temps, à l’étage au-dessus, les vrais journalistes s’appliquent : épaule contre épaule, ils remplissent des écrans.

12h45, comme par hasard, les auteurs reviennent à la table. Ils ont un petit creux. Julien, monsieur photo, en profite.

Saucisson, quiche, verrines (en carton), gâteau, ils reprennent des couleurs et des forces. Les plus rapides sont prêts à partir après le café, les autres se remettent au clavier. Le temps presse, il faut faire un journal et quand on n’est pas journaliste on a tendance à lever les yeux au ciel et à se gratter le front.

En revanche, ils n’ont pas rêvé à l’étage et on nous descend le chemin de fer : une page A4 qui ressemble à une BD avec le journal page à page qui met de l’ordre dans la douce pagaille du matin. C’est chic. On m’annonce que je peux aller jusqu’à 4 400 signes pour ce making-of. Bombance ! On attend la traduction du papier de Siri Hustvedt et Bonnie Banane aura son portrait en dernière page pour ses chansons érotiques.

Dov revient avec toute l’équipe des chefs de service pour parler du site, des futurs journaux papier et de ce qu’on va mettre dessus (ou «dedans» ?) C’est une nouvelle volée d’infos qu’il faut trier et hiérarchiser. Il est question d’un spécial couscous, mais il convient de se méfier des lobbies internes, tunisiens et algériens, qui pourraient gâcher la semoule.

Pas de goûter.

18 heures 30, c’est l’heure de la une et à Libé, la une, c’est la une. D’abord c’est le défilé des unes possibles, Trump figure sur toutes en des majestés diverses, mais la mieux c’est celle où il menace de s’envoler d’un large coup de chevelure. Puisse-t-il le faire pour de bon. Elle sera donc retenue pour ce Libé des 28 écrivaines et écrivains.

4 400 signes et un en-cas. Merci.