Un garçon sale se tient sur le perron d’une maison de Tunbridge Wells. Il vient réparer un très gros trou au premier étage, «pour ne pas dire un cratère». Il se trouve en face d’une redoutable Ecossaise aux cheveux noirs. C’est le seuil de l’Imposture. On y entre ainsi simplement, de plain-pied – la suite va se complexifier – avec le jeune ouvrier stupéfait devant les dégâts causés par l’effondrement d’une bibliothèque surchargée. Des volumes d’histoire britannique et du plâtre ont traversé le plafond pour s’abattre sur le salon du rez-de-chaussée. «Le seul poids de la littérature qu’vous avez là, ça met une pression terrible sur la maison, Mrs Touchet. Une pression terrible.» C’est la demeure d’un écrivain qui a beaucoup entassé et déménagé au gré des aléas de sa carrière. William Ainsworth y vit avec sa jeune épouse Sarah et sa fille, sa cousine et gouvernante Eliza Touchet. Dans son sixième roman, Zadie Smith emprunte pour une fois la voie de la fiction historique, victorienne, vraie de première main, repoussant la pression par des scènes courtes et alertes, jonglant avec les temporalités, les juxtapositions et privilégiant plusieurs écheveaux avec des livres dans le livre.
Eliza Touchet, l’Ecossaise sagace et intransigeante, veuve «malheureuse», vit avec son cousin depuis que Frances, la femme de celui-ci qui mourra à 33 ans, l’avait appelée pour s’occuper de leurs enfants. William voulait être écrivain à quinze ans, a dirigé une revue, côtoyé