A une fête anarchiste, la jeune Emma dansait follement lorsqu’un camarade la stoppa, sa frivolité nuisait à la Cause. Elle se mit en colère. «Si je ne peux danser dans ta révolution, aurait-elle dit, je n’y prendrais pas part.» L’anecdote, citée par l’écrivaine Vivian Gornick, donne une idée de l’intensité du caractère d’Emma Goldman, et de sa détermination à défendre son droit au plaisir. Vivre ma vie, son autobiographie traduite en intégralité en 2018 (l’Echappée) relatait en détail une existence dédiée à l’anarchisme et dessinait une personnalité exaltée et entière. Sans reconstituer pas à pas la vie publique de l’icône féministe d’origine russe (1869-1940), Vivian Gornick se concentre sur «la puissance de son extraordinaire rébellion pour chercher à éclairer l’élan existentiel qui sous-tend sa politique radicale». Harangueuse politique hors pair, arrêtée et emprisonnée plusieurs fois, «Emma la rouge» fit la une de la presse américaine pendant deux décennies, de 1890 à 1919, avant d’être expulsée en Union soviétique avec son ami de toujours Alexander Berkman, et 247 autres radicaux étrangers à bord du Buford.
«Radicale sexuelle»
Les impressionnantes liberté et combativité d’Emma Goldman fascinent. A sa lutte pour la révolution sociale, elle mêle celle