Trop souvent torturée par des éditorialistes de plateaux télé, la frontière est un concept tragiquement d’actualité, en Ukraine, en Cisjordanie, en république démocratique du Congo… Alors quand un scientifique l’aborde sur 500 pages, on prend la chose comme elle doit être prise, une manière de saisir l’histoire mais aussi des informations qui se fracassent sur le quotidien. L’ouvrage de Benoît Vaillot l’Invention d’une frontière. Entre France et Allemagne, 1871-1914 a un double intérêt. Il documente finement un moment charnière de l’Alsace, de la Lorraine, des Vosges, des territoires qui les jouxtent, de la France aussi ; mais il interroge également l’idée de frontière, accaparant une notion le plus souvent traitée par le prisme géopolitique. «La frontière étudiée est la plus contrôlée, la plus surveillée et la plus espionnée au monde à l’époque qui nous intéresse», résume l’historien.
Une frontière doit d’abord être tracée. L’auteur s’attache à documenter le dessin, à narrer comment l’irruption de cette séparation est appréhendée par les deux administrations jusqu’au début de la Première Guerre mondial