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Lionel Destremau, itinéraire de deux tueurs de peu

Les deux héros d’«Un crime dans la peau» sont des voyous sans envergure se transformant en massacreurs dans un univers sans lumière, la France miséreuse des années 30.
Lionel Destremau n’a pas son pareil pour décrire cette atmosphère miteuse qui sent la prison pour petits larcins, la violence quotidienne et les bagarres de soûlards. (Maurice-Louis Branger/Roger-Viollet)
par Christine Ferniot
publié le 27 avril 2025 à 9h00

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Dans ce roman, tout est presque vrai et à peu près faux. Il y a des extraits de presse tirés du Petit Journal, du Matin ou du Lyon Républicain, entre 1903 et 1933. Mais aussi des bulletins météo qui évoquent des étés pluvieux et des hivers rudes à -20° dans les campagnes. Et puis on croise cet homme tatoué, Louis Rambert, et son complice, Gustave Mailly, installés dans la région lyonnaise, du côté de Saint-Didier-au-Mont-d’Or, Villeurbanne ou Ecully. Peu à peu, Lionel Destremau se montre plus précis, décrivant l’enfance de ces deux gaillards pauvres, au moment de la guerre de 1914, puis leur jeunesse de voyous qui jouent les souteneurs pour de jeunes prostituées, boivent trop, dorment dans des gourbis, travaillent comme chiffonniers. Ils passent par tous les petits métiers et montrent un certain art de la débrouille. L’auteur n’a pas son pareil pour décrire cette atmosphère miteuse qui sent le mauvais vin, la prison pour petits larcins, la violence quotidienne et les bagarres de soûlards. Louis Rambert aime les tatouages et peu à peu sa peau raconte son histoire, celle d’un type qui finira mal.

On s’approche du drame. Un jour, ces deux-là vont commettre un crime ignoble à coups de marteau sur deux vieux qui ne sont même pas riches. Les complices hasardeux plongent dans un bain de sang parce qu’ils imaginaient leur avenir couvert de pièces d’or qui n’existent pas. Un vrai procès a lieu et la presse en parle. L’un finit dans sa cellule, rongé par la maladie, l’autre est embarqué sur un rafiot pour Saint-Jean-du-Maroni, au bagne de Guyane.

Ils ne sont pas vraiment remarquables ces gars de peu mais Lionel Destremau sait subtilement décrire leur parcours sinueux et surtout, la vie d’un milieu, d’un univers sans lumière. Grâce à l’auteur, le duo devient fascinant tant l’engrenage criminel semble inévitable. Le romancier mélange le fait divers sordide et la fiction sociale, pointant les détails de ces vies grâce à son écriture précise et glaçante. Son propos s’amplifie, brossant le tableau d’une époque à travers le parcours de ces types qui se croyaient plus malins que les autres.

Lionel Destremau, Un crime dans la peau, la Manufacture de livres, 304 pp., 19,90 € (ebook : 13,99 €).