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«Quand elle est entrée dans la pièce, elle a tout aspiré.» D’un côté de la table, dans un parloir trop éclairé, vient de s’installer Dolorès Leal Mayor, accusée d’avoir assassiné une dizaine d’hommes. En face d’elle, Antoine Petit, psychiatre cocaïnomane, reste bouche bée devant cette beauté atypique. Le médecin est mal vu de ses supérieurs et chargé par un juge cynique de déclarer rapidement la jeune femme irresponsable. S’il n’est pas du genre à faire des vagues, elle est une tigresse, une fille enragée, enfermée dans une prison qui ressemble à un chemin de croix.
Dolorès a une méthode implacable. Elle écume les salons professionnels, talons hauts et maquillage excessif, accompagne dans les boîtes de nuit les «ploucs à rolex» qui rêvent de baiser avec elle puis elle tue cette minable élite avec délice. Une fois, dix fois, Dolorès recommence les mêmes gestes criminels et quand la presse s’intéresse à son histoire, la jeune femme est décrite comme une terroriste qui punit les riches, une star qu’on commence à imiter. «Quand le premier meurtre que je n’ai pas commis est apparu, ça m’a fait tout drôle», explique-t-elle.
Un peu comme dans son précédent roman, Atmore Alabama (Babel noir, 2021), mais loin de l’Amérique qu’il plaçait en toile de fond, Alexandre Civico avance dans un monde noir qui vous glace. Au-delà des descriptions de la vie carcérale, de l’indifférence de Dolorès et de l’apparente médiocrité du psy, l’auteur décrit une société qui s’embrase. Il garde une écriture sèche pour suggérer l’étouffement de ces deux personnages qui n’auraient jamais dû se rencontrer, parle d’une «tristesse d’égout» pour résumer leur destin mais surprend le lecteur par un final inattendu.