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Roman

Lolita Sene, l’enfance jusqu’à la lie

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Le cahier Livres de Libédossier
«Un été chez Jida», le premier roman en partie autobiographique d’une vigneronne du Gard.
Lolita Sene. (Olivier Roller/Ed. Cherche-Midi)
publié le 4 février 2024 à 4h42

Esther est une enfant, d’une dizaine d’années à peine ; elle passe des vacances d’été chez Jida, sa grand-mère maternelle, dans son modeste pavillon au bord de la départementale, mais riche de ses origines kabyles, d’oncles et de tantes défilant, de cousins, de cousines, proches ou lointains. Et Jida, qui «règne tout en haut de la pyramide, posée sur sa pointe, avec sa fine chevelure blanche, ses canines dorées, ses tatouages sur les mains en lettres amazighes, des O des + des Δ dans cette langue qui bruisse.» Mais un oncle magnifique, un enfant chéri de Jida, va abuser d’Esther, et le silence des non-dits protecteurs ou honteux d’abord s’établir. La fillette doit néanmoins grandir, malgré les outrages et sa solitude de victime largement ignorée. «Je n’ai plus de couleur dans la voix. […] Je n’attends rien des autres, je suis une jeune fille silencieuse et fade qui souhaite que le jour finisse au plus vite pour enchaîner sur le suivant. […] Je me suis forgé une carapace de honte, qui me protège autant qu’elle me ralentit. Elle est parfaite, blanche et lisse. Il faut se méfier des enfants trop sages.»

Plus tard, jeune femme, elle est bien obligée de réaliser qu’on l’a sacrifiée, au nom de l’unité familiale, cercle indestructible. «C’est un frère, on ne met pas un membre de la famille au ban. […] Je devine que la plupart d’entre eux le fréquentent toujours. On me répond oui, sans vergogne, l’œil énervé, oui.» Esther comprend que c’est elle qui a été