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Libération
Critique

«Celui qui veille» de Louise Erdrich, hiver indien

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Dans son dix-septième roman, s’appuyant sur des archives familiales, l’Amérindienne fait surgir la figure de son grand-père, engagé dans la lutte contre le piège de l’assimilation.
Author Louise Erdrich photographed in her bookshop, Birchbark Books in Minneapolis MN, Tuesday February 11th, 2020 (Nate Ryan)
publié le 7 janvier 2022 à 17h40

On en était là en 1953. Une proposition de loi présentée par un sénateur offensif pouvait signer la fin de la réserve. «On a survécu à la variole, à la carabine à répétition, à la mitrailleuse Hotchkiss et à la tuberculose. A la grippe de 1918 et à quatre ou cinq guerres meurtrières sur le sol américain. Et c’est à une série de mots ternes que l’on va finalement succomber. Réallocation, intensification, termination, assurer, et cetera.» Celui qui veille part de l’histoire vraie du président de la Bande des Indiens Chippewas de Turtle Mountain (Dakota du Nord) qui va se battre pour repousser un texte rédigé avec des termes cliniques, censément pour le bien des autochtones. L’émancipation promise par Washington cache en réalité, d’un gros beau ruban rose, la fin des droits des Indiens. Cette entourloupe, il l’a tout de suite flairée, Thomas Wazhashk (nom tiré du rat musqué, «rongeur hydrophile, modeste et travailleur»), incarnation romancée du grand-père de Louise Erdrich, Patrick Gourneau. L’écrivaine amérindienne savait qu’elle tenait un sujet en or, auquel le paquet de lettres de son héroïque aïeul pouvait donner de la chair. Longtemps, elle n’avait pas réussi à transformer la promesse. Mais pendant deux ans, selon le