«Aphra Behn (1640-1689) a eu beau être reconnue et célèbre en son temps, elle n’en fut pas moins oubliée et dédaignée.» On pourrait changer le nom au début de cette phrase et la réutiliser en tant de circonstances, à chaque fois qu’on déterre ces femmes méconnues qui avaient réussi la prouesse de s’élever vers des espaces qui ne leur étaient pas ouverts, mais ont perdu en mourant tout le bénéfice de leurs efforts pour disparaître dans les limbes de nos mémoires collectives. C’est un nom ou bien un autre, c’est une découverte des années plus tard, des tâtonnements, des recherches, des retrouvailles. Des biographies en guise de renaissance. Dans ce ballet de la mémoire, Aphra Behn a eu une chance unique : elle a croisé le chemin d’une artiste, Aline César, qui lui a dédié un long récit-poème, à l’écrit et sur scène. Cela donne un ovni indescriptible, presque une chanson de troubadour, presque un exposé ou un rêve, sous forme de livre édité chez Supernova.
On y revit vers par vers la vie d’Aphra Behn, née Johnson : une enfance sous Cromwell, la guerre civile et la campagne du Kent, un mariage, un voyage, un veuvage, une mission d’espionnage. Aphra, veuve Behn, nom de code Astrea, est envoyée par la couronne britannique dans les Flandres, «elle n’est toujours pas payée malgré ses demandes répétées». Astrea, de nom de code devient nom de plume, et Aphra Behn écrit sa première pièce, une critique du mariage arrangé. Elle en écrira en tout vingt, ainsi que des rom