Cédric Le Penven, Un sol trop fertile, éditions Unes, 80 pages, 17 euros
Commençons cette rentrée en réparant un oubli. Un sol trop fertile, de Cédric Le Penven, a paru avant l’été mais mérite hautement qu’on fasse attendre un peu les sorties de fin août. Voilà un livre fort, aussi violent que tendre. A travers des poèmes courts, des phrases qui ont quitté toutes fioritures sans tomber dans la sécheresse, une langue même aimante quand il s’adresse à sa femme et à son enfant, Cédric Le Penven affronte son passé, celui d’un enfant battu, et ses résonances dans son présent. «Ne me demande pas […] quel est mon âge. J’ai l’âge de ceux qui ont assez mâché leur enfance.»
Confronté à ses souvenirs, à la difficulté de les exprimer, Le Penven chante une sensibilité qui s’assume enfin («un regard de biais me déséquilibre, une branche brisée me brise») et un besoin d’éloignement du monde pour rentrer dans sa coquille : «ne renonce pas à cette part de toi, même si tu deviens salissant, trouble-fête, mauvais goût». Il est moins question ici de résilience que d’un repli, souverain, sur le foyer, l’enseignement, l’acte de planter des arbres et les mots, enfin, ceux «qui refusent de se baisser dans une salve d’injures».
Voici un extrait du livre.
dépose ta tête (ta putain de tête)
sur le tronc coupé qui connaît les hivers où le poêle ne suffit pas à brûler les souvenirs de chambres qui ne furent jamais assez fermées
vous croyez avoir grandi, être capable de regarder droit vers le soir, de soutenir le regard des rapaces
et puis la marée brutale des larmes déchire
sourire au couteau jusqu’aux oreilles
tout va bien depuis que je marche sans tête
(reste le ventre)