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Décidément, les grands-mères inspirent les poètes. Tous les types de grands-mères. Après la mamie jardinière, portraiturée en poèmes brefs et tout en douceur par Mathieu Corpataux, voici la «mamie raciste» – titre aussi frontal que la poésie de l’auteur – de Baptiste Pizzinat. Le poète publie en octobre au Castor astral ce nouveau recueil hybride qui mêle les genres (poétique, épistolaire, narratif, non-fictionnel) et les photos touchantes de son sujet, Marinette Checa, originaire d’un petit village de Castille-La Mancha, exilée de la guerre civile, fidèle de PPDA et du Christ et, surtout, terriblement haineuse envers les noirs et les Arabes.
Le style est incisif comme un couteau, parfois proche du slam, et les mots sont choisis comme des balles par l’auteur de l’Irrésistible odeur des flingues (Maëlstrom, 2023). Exemple : «toi dont le papier toilette /d’un autre temps /nous irritait toujours /terriblement le cul». Ces poèmes cash, écrits sous forme d’adresse à la défunte, n’en perdent pas une forme de tendresse pour une femme dure et «haineuse», réfugiée dans le silence. «Toi ma grand-mère humiliée, /ma grand-mère humiliante, /ma mère abandonnée presque comme une merde, /et combien d’autres femmes /encore déportées de l’intérieur /juste sous nos yeux», chante encore l’écrivain-petit-fils dans une lettre-poème.
Baptiste Pizzinat, sociologue dans une vie passée, aussi auteur de Canif (Maëlstrom, 2024) et Womanizer (l’Iconoclaste, 2022), propose ici un non-éloge – car il est à mille lieues du pamphlet – en vers libre qui vire à l’essai sur la famille ou l’étude d’un stéréotype, mais par la poésie. «Les mamies racistes sont-elles aussi nombreuses qu’on le pense, aussi racistes qu’il y paraît ? Font-elles simplement partie du folklore des traditions familiales ? Sont-elles cachées dans le multivers ?» Certains lecteurs ont peut-être la réponse.
Baptiste Pizzinat, Mamie raciste, Le castor astral, 160 pp., 9,90 €.
L’extrait
et je dis que les grands-mères
ne sont pas forcément réparables
à n’importe quel prix
que les ancêtres sont loin
d’être toujours de qualité
que tremper d’abord leurs pieds
dans une marmite à feu doux
d’olla podrida
pour observer la vraie nature
de leur visage
n’est sans doute pas
une mauvaise chose