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On connaissait Marie Pavlenko romancière, autrice jeunesse et de bande dessinée. On la découvre poétesse dans la collection Jeunes Plumes de l’éditeur Bruno Doucey. L’écrivaine multi primée signe, en ce début d’année, un premier recueil, la Main rivière, ode vivifiante à la Terre mère où la poésie évoque ici «un ruisseau fou fougueux /aux cent mille langues», ou là «un vent paresseux» qui «ride à peine les oiseaux». Autant de manifestations animales, végétales ou minérales qui battent en chœur pour donner des vers doux, sains, bref qui guérissent leur lecteur, lui font du bien. Car il y a bien quelque chose de l’ordre du care (le «soin») dans ce parti pris pour le vivant avec des «yeux d’enfant».
Contre le monde mortifère des adultes, qui conduit à la destruction des écosystèmes, Marie Pavlenko choisit en effet la vigueur insouciante – mais parfois cruelle – de Gaïa, comme une réminiscence de l’enfance. Voyez ce court poème : «La bruine /caresse les cheveux du monde /et les enduit de son amour /traversant les chandails» ou cet autre extrait : «Coupé en cubes /les platanes pleurent /la nuit ils rêvent /à des collines /où pousseraient leurs racines». Rien d’étonnant donc à ce que certains des textes prennent les atours mélodiques de la comptine («à dos de chameau /nous irons au bois /rencontrer des loups /et des scélérats /rapière à la main /jabot de dentelle /nous irons au bois /tuer des gredins /du menu fretin»), de la ballade ou de la berceuse, desquelles l’autrice jeunesse est forcément familière. Ils servent alors à faire résonner les pulsations d’une poésie maternelle, organique, écologique mais, surtout, vitale.
La main rivière de Marie Pavlenko, éd. Bruno Doucey, 120 pp., 15 euros.
L’extrait
Je veux être bercée dans les grands bras du monde
suivre le circaète vers le sommet des voix
rêver la course blanche des hirondelles l’été
écouter la grenouille
m’enfoncer dans le lierre
dont le souffle doré
est le murmure de l’eau
quand tu dors à côté