La recherche obstinée d’un lien entre beauté et vérité n’a jamais été une aventure très répandue. Né sous Louis XIV, mort un an avant la Révolution, le pastelliste Maurice Quentin de La Tour (1704-1788), premier des portraitistes français du XVIIIe siècle, l’a vécue dans toutes ses dimensions : ascension, succès, fortune, angoisse, folie. Le 12 octobre 1866, les frères Goncourt visitent le musée de Saint-Quentin, dans l’Aisne. On y trouve de nombreux pastels de l’artiste, né et mort dans cette ville : «Les La Tour, ce n’est plus de l’art, c’est la vie. Ces têtes vous sautent aux yeux, paraissent se tourner pour vous voir, tous ces yeux vous regardent, et il vous semble que vous venez de déranger, dans cette grande salle, où toutes les bouches viennent de se taire, le XVIIIe qui causait. Devant cela, on comprend que le beau, c’est la réalité, la vérité, quand l’art et le génie d’un homme sont assez forts pour la voir et pour la rendre.»
L’homme et son œuvre font l’objet d’un beau livre de Xavier Salmon, responsable du département des arts graphiques au Louvre. Son travail, d’une extrême précision, étudie les pastels existants, fait l’inventaire de leurs propriétaires successifs, enquête sur ceux, nombreux, qui ont disparu. Le texte est mis en valeur par la qualité de l’iconographie : on voit les portraits, en tournant les pages, à peu près comme les Goncourt les ont vus au musée. La vie et l’élégance sautent aux yeux ; et, à travers elles, tout un monde saisi en majesté