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Au nom du cil !

Superstitions, croyances, médecine… Plongée dans l’histoire du «mauvais œil»

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Le cahier Livres de Libédossier
Entre la médecine et la magie, l’intérieur de soi-même et ses répercussions sur le monde extérieur, les croyances du Moyen Age et les dérives modernes, l’historienne Béatrice Delaurenti a mené l’enquête.
«Medusa» (1893), dessin vélin (parchemin) parJean Delville (1867-1953),conservé à l'Art Institute de Chicago. (Art Institute of Chicago. RMN)
publié le 13 mars 2024 à 18h12

Qu’est-ce t’as toi ? Tu me mates ? Une œillade, un regard de travers, et ça tourne en vrille, rixe, coups de poing, coups de couteau. Scènes d’ordinaire imbécillité. Mais pourquoi croit-on aux yeux revolver et aux regards qui paralysent, blessent, tuent ? C’est une vieille, très vieille histoire, intégrée dans une plus large «problématique de l’influence», qui remonte à la Bible, à la pensée grecque, à la pensée médiévale, traverse la mythologie, l’anthropologie, la philosophie, la médecine, la magie, les sciences occultes, et, sans solution de continuité, arrive aux persuasions occultes d’aujourd’hui…

L’idéal, chacun sait, est d’avoir bon pied bon œil : le bon œil permet d’aller droit, et le bon pied d’aller loin. Quant au mauvais pied, il fait se lever de méchante humeur, ou se pose mal et fait trébucher. Et l’œil mauvais ? Ce n’est pas celui auquel il manque des dioptries, qui voit flou ou mal. Au contraire : il est ultra-voyant, voit même à travers les choses et fait fi des distances : c’est le mauvais œil. S’il est jeté sur vous, inutile d’aller chercher des potes pour la baston. Il faut juste s’adresser à une sainte personne. Elle fera le signe de croix trois fois sur votre front, puis sur le sien, prendra une assiette, la remplira d’eau, y fera tomber quelques gouttes d’huile… Si les gouttes restent homogènes, ça va. Si elles s’écarquillent (comme des yeux), s’épanchent, s’élargissent, alors c’est grave, tout peut vous arriver, et toujours le pire – un deuil, un