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Michael Hugentobler et son coffre patagonien plein de «mots qui meurent»

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Le cahier Livres de Libédossier
«Terres de feu» de l’écrivain suisse est un roman ethnologique et linguistique engagé tout autant qu’un roman d’aventure et historique.
Les Yagáns ou Yámanas vivent dans le sud de la Patagonie. Photo de 1920. (Universal Images Group. Getty Images)
publié le 31 janvier 2025 à 13h19

«C’était un univers — révélé par ordre alphabétique.» Michael Hugentobler, né à Zurich en 1955, dans les notes introductives de son roman : «Lorsque j’ai décidé d’écrire la biographie du dictionnaire yámana, j’ai d’abord eu la tentation d’établir la vérité.» «Mais» est le mot qui commence la phrase suivante. C’est pourtant une histoire vraie que raconte Terres de feu, celle de Thomas Bridges (1842-1898) et de Ferdinand Hestermann (1878-1959), respectivement missionnaire et prêtre universitaire peu faits pour satisfaire leurs hiérarchies, mais surtout celle d’«un chef-d’œuvre», «un eldorado de la lexicographie», un dictionnaire yámana-anglais constitué par le premier et préservé par le second (les Yagáns ou Yámanas vivent dans le sud de la Patagonie). «L’ouvrage avait donné naissance à son propre genre, c’était une créature polymorphe, tantôt description de paysage, tantôt recherche ethnologique, tantôt tableau ou poème, tout cela étant souvent réuni dans une seule définition. […] Ce n’étaient pas des entrées de dictionnaire : Hestermann avait parfois le sentiment que, sous couvert d’être un simple lexique, le livre était en vérité un plan, un mode d’emploi pour façonner un morceau du monde si celui-ci venait à disparaître.» De sorte que Terres de feu est un roman ethnologique et linguistique engagé tout autant qu’un roman d’aventure et historique. Geremia Cometti, «professeur d’anthropologie à l’université de Strasbourg»