«“Mon mari va me tuer ! Vous entendez ce que je vous dis, monsieur Vidame ? Mon mari va me tuer !” Tu l’as répété au moins trois fois, maman. Vidame ne t’a pas répondu. Il s’est contenté de regarder sa montre, une grosse montre dorée, pour bien faire comprendre qu’il était pressé. […] Tu tremblais maman. Tu éparpillais des feuilles devant toi, celles que qui te faisaient pleurer chaque fois que tu les trouvais dans la boîte aux lettres. “Je veux seulement de l’argent monsieur Vidame. Juste un peu d’argent. Mon mari va rentrer…” “On en a déjà discuté cent fois, vous êtes sous tutelle. Je suis là pour vous aider à gérer votre budget. Pour que votre mari ne dépense pas tout votre argent dans l’alcool.”»
C’était un soir venteux dans la banlieue de Rouen. Richard Vidame, le mandataire judiciaire, est parti. Le père d’Ophélie, sept ans, est rentré ivre. Comme d’habitude. Une dispute a éclaté. La mère de l’enfant est partie en courant, suivi par son mari fou furieux. Course poursuite dans les coursives de l’immeuble, puis un cri. Un bruit mat. Et bientôt un attroupement, le gyrophare des camions de pompiers. Et «maman, trois mètres plus bas sous la passerelle». Immobile sur le goudron de la rocade au milieu des voitures arrêtées. «Je ne me débattais plus. Je ne pleurais plus. Toutes mes forces m’avaient quittée. Triste à l’extérieur et morte à l’intérieur. C’est ce qu’ils croyaient. C’est ce que j’allais leur faire croire, à tous, à partir de cette seconde. Mais à toi maman, je peux l’avouer. Oh non, mes forces n’ont pas disparu ! Je les avais cachées. Je les avais rassemblées quelque part, dans mon cerveau, en un seul point. Un point noir.» Un point noir et un océan de haine.
Stratagèmes
A la suite du drame, la petite Ophélie, narratrice et héroïne du dernier roman de Michel Bussi Mon cœur a déménagé, est placée dans un foyer après l’arrestation de son père. Et sa vie n’a désormais qu’un but : faire parler les témoins de cette nuit fatale et retrouver l’homme qui a refusé d’aider sa mère «parce que papa, quand il buvait ou fumait trop, c’était comme un enfant qui fait des bêtises. Et un enfant qui fait des bêtises, ce n’est pas sa faute. Le vrai coupable, c’est celui qui ne l’a pas surveillé. Celui qui n’a pas répondu quand on l’a appelé au secours». Une vengeance à hauteur d’enfant traumatisée, puis de collégienne mutique, de lycéenne rebelle et enfin d’ado calculatrice (l’action démarre en 1983 et s’achève dix-sept ans plus tard), entourée de tout un petit monde d’éducatrices, d’ami·es du foyer, de policiers, d’anciens voisins, de dealers de cité… Tantôt complices, tantôt victimes de son obsession.
Ophélie, alias Folette, va donc multiplier pendant des années les plans et les stratagèmes, tandis que Michel Bussi, grand maître du rythme et des retournements de situation, se plaît à jouer avec les angles, les théories et les points de vue de ce puzzle intime à travers de courts chapitres où chaque protagoniste donne sa version de l’affaire.
Un tourbillon de suspense, une quête obsessionnelle, qui laisseront, à la fin du roman, le lecteur et Folette le cœur chaviré, à l’issue d’un ultime rebondissement.